Non classéCOVID-19 et Télétravail

janvier 12, 20210

La crise sanitaire que connait actuellement notre pays, a mis les sociétés tunisiennes face à de nouveaux défis pour
préserver tout à la fois la sécurité de leurs employés et la continuité de leurl’activité.
Au regard du droit du travail, chacune des Parties à savoir l’employeur et le salarié, ont en cas de crise sanitaire,
des obligations à respecter.
Ainsi l’article 152-2 du Code du travail (ci-après dénommé «CT») prévoit que « Tout employeur est tenu de prendre les
mesures nécessaires et appropriées pour la protection des travailleurs et la prévention des risques professionnels.
Il doit notamment :

 

Veiller à la protection de la santé des travailleurs sur les lieux du travail

 

Au vu de cet article, l’Employeur est donc en droit et dans l’obligation de mettre en place toutes les mesures requises
pour protéger ses salariés et tout particulièrement dans le cas actuel de la Pandémie lié au Coronavirus.
Pour sa part l’employé se doit de respecter les mesures prises par l’employeur. A cet effet, l’article 153-3 du CT dispose
« Le travailleur est tenu de respecter les prescriptions relatives à la santé et à la sécurité au travail et de ne pas
commettre aucun acte ou manquement susceptible d’entraver l’application de ces prescriptions. Il est tenu notamment de
ce qui suit :

  • Exécuter les instructions relatives à la protection de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des salariés travaillant
    avec lui dans l’entreprise,
  • Utiliser les moyens de prévention mis à sa disposition et veiller à leur conservation,
  • Participer aux cycles de formation et aux activités d’information et de sensibilisation relatives à la santé et à la sécurité
    au travail que l’entreprise organise ou y adhère,
  • Informer immédiatement son chef direct de toute défaillance constatée susceptible d’engendrer un danger à la santé et à la sécurité au travail,
  • Se soumettre aux examens médicaux qui lui sont prescrits».

Il découle donc de cet article que le salarié est dans l’obligation d’exécuter les instructions et les décisions prises par
l’employeur pour prévenir tous risques liés à la santé de l’ensemble des salariés, le refus du salarié de se conformer à
ces prescriptions pourrait être considéré comme une faute grave justifiant le licenciement.
Ainsi pour les sociétés dont l’activité le permettait, le télétravail a été la solution et elles ont dû, dans un laps de temps
très court, mettre en place les procédures nécessaires.
Cependant le télétravail comme le travail au sein des locaux de la société est soumis au droit du travail bien que le code
du travail tunisien soit silencieux dans ce domaine.

Le cadre règlementaire et juridique du Télétravail

 

Le télétravail peut être défini comme «Un travail effectué à distance, qui utilise les progrès technologiques et qui consiste
à ne plus être présent en permanence (en tout ou en partie) dans une entreprise et à exercer une activité
professionnelle (en tout ou en partie) ailleurs (au domicile, chez unclient….) en se servant d’outils informatiques et de
télécommunications».
Toutefois, en Tunisie, le télétravail est plutôt considéré comme une nouvelle forme de travail, à laquelle, en l’absence de
lois spécifiques, s’appliquent les lois existantes.
Aussi le télétravailleur jouit des mêmes droits collectifs et individuels que les salariés présents dans l’entreprise et par
application de la notion d’ordre public social, l’employeur ne peut à l’occasion d’un contrat de télétravail restreindre les
droits résultant de l’application du Code du Travail et des Conventions Collectives.
L’employeur qui a recours au télétravail doit s’assurer de respecter les droits fondamentaux de ses employés, soit plus
précisément le droit à la vie privée et le droit à l’inviolabilité de la demeure 1 tel que protégé dans la constitution
tunisienne (2) . Dans ce cadre, l’employeur doit s’assurer que ses politiques et procédures connexes à l’application du
télétravail respectent le droit à la vie privée et le droit à l’inviolabilité du domicile (ex : utilisation d’Internet et du courrier
électronique, gestion des mots de passe, propriété de l’équipement informatique)
L’employeur devra s’assurer du consentement du salarié sur le télétravail soit par un échange de mail explicite requérant
l’accord par retour de mail de l’employé ou par un avenant au contrat de travail, toutefois comme il a été indiqué
ci-dessus le refus du salarié d’effectuer le télétravail en cas de force majeure et pour des raisons des risques sanitaire
peut être considéré comme une faute grave.
L’employeur a le droit de surveiller et de contrôler le travail de ses salariés (conformément à l’article 6du CT (3).
Toutefois, il doit s’assurer de le faire dans le respect de la vie privée en respectant en mettant en place des procédures
claires qui seront communiqués à l’Employé.
L’employeur devra respecter la durée du travail (droit à la déconnexion dans le cadre du télétravail).
Le salarié est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, d’agir avec loyauté (4)
Concernant l’usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de
son travail et à la protection des données appartenant à l’employeur, donnée essentielle pour l’Employeur,
il sera nécessaire de vérifier ce que prévoit les contrats de travail de la Société, en cas de défaut d’une clause
prévoyant explicitement la confidentialité et la protection des données appartenant à la société, il serait judicieux de
rappeler cette obligation à tous les employés par email et avoir un retour écrit de leur part, ainsi en cas d’infraction de
cette règle le salarié engage sa responsabilité civile sur la base de l’article 88 du code des obligations et des contrats(5) .
Par ailleurs, le salarié est responsable des conséquences de l’inexécution des instructions qu’il a reçues, lorsqu’elles sont
formelles et qu’il n’y a aucun motif grave de s’en écarter et doit veiller à la conservation des choses qui lui ont été
remises pour l’accomplissement des services dont il est chargé. Il doit les restituer après l’accomplissement de son travail
et il répond de la perte ou de la détérioration imputables à sa faute.

 

La mise en place au sein de la société de procédures spécifiques au télétravail

 

Il serait opportun d’éditer un guide interne à l’entreprise en mettant en place la politique du télétravailet prévoyant entre
autres :

  • les obligations et les devoirs des deux parties,
  • les méthodes de contrôle de l’employé sur l’exécution du travail à effectuer,
  • les feedback quotidien,
  • la confidentialité,
  • la nécessité essentielle de protéger les données
  • la définition des horaires de travail,
  • le rappel des responsabilités et engagements de toutes les parties,
  • Le choix des modes de communication utilisés et de la fréquence des contacts,
  • les procédures en cas d’accident de travail ou de maladie,
  • les équipements pour la pratique du télétravail,
  • La charte de confidentialité des données,
  • Définir et effectuer le suivi des tâches et objectifs de l’employé en télétravail
  • Déterminer les attentes liées à la productivité et à la performance.

Ce guide devra être diffusé à tous les employés et emporter leur acceptation explicite par retour d’email. Il serait
également opportun de mettre en place une signature électronique pour que toute signature de l’employé sur
un document contractuel soit authentifiée.
Pour rappel l’Article 453 bis dispose que: « Le document électronique est l’écrit composé d’un ensemble de lettres et
chiffres ou autres signes numériques y compris celui qui est échangé par les moyens de communication à condition qu’il
soit d’un contenu intelligible, et archivé sur un support électronique qui garantit sa lecture et sa consultation en cas de
besoin. Le document électronique fait preuve comme acte sous seing privé s’il est conservé dans sa forme définitive par
un procédé fiable et est renforcé par une signature électronique. »
La loi 2000-83 du 9 aout 2000 confère à la signature et au document électroniques, une valeur juridique et une force
probatoire certaine sous réserve de respect de certaines conditions :

  1.  La conservation du document électronique doit être assurée par les parties l’ayant conclu(1)
  2. La signature électronique ne peut être réalisée que par un dispositif fiable(2) dont les caractéristiques techniques
    sont fixées par arrêté.(3)

De plus un avenant au contrat de travail peut être également envisagé.
En absence de dispositions légales fixant les mentions obligatoires devant figurer dans le contrat ou l’avenant relatif au
télétravail, il est conseillé que les parties prévoient dans l’avenant au contrat de travail des clauses spécifiques qui auront
pour but d’apporter plus de clarté sur les obligations réciproques de chacune des Parties telles que :

  • Les conditions de passage au télétravail ainsi que les conditions de retour à une exécution de travail au bureau,
  • Les charges et coûts liés au télétravail: les parties peuvent si elles le souhaitent prévoir une clause relative à la prise
    en charge des coûts liés au télétravail (matériel, logiciels, abonnement internet, ligne et factures téléphoniques…) Lorsque du matériel informatique est mis à la disposition du salarié, il est conseillé à l’employeur d’adapter l’assurance contractée afin de l’étendre aux risques pouvant survenir dans le domicile du salarié notamment au vol du matériel.
  • La gestion du temps de travail: le télétravail pose la difficulté de gestion de temps dans la mesure où le salarié n’est pas physiquement présent dans les locaux de l’entreprise. En France il est fait recours généralement à un système de pointeuse électronique ou à un système auto-déclaratif par lequel l’employé déclare régulièrement le nombre de
    journée-heures travaillés et \ ou de repos sur un logiciel «temps ». Ces deux méthodes pourraient être appliquées par
    l’employeur en Tunisie pour palier à cette difficulté.
  • La confidentialité et la protection des données: l’employeur et le salarié doivent assurer la sécurité du matériel
    informatique utilisé afin d’éviter toute fuite de données ou documents pouvant causer un préjudice à l’entreprise ou à ses collaborateurs. La Société devra également assurer la protection de ses données personnelles par des canaux sécurisés, dans ce cadre plusieurs opérateurs tunisiens ont mis en place des offres permettant le télétravail en toute sécurité(7).

(1) Visite à domicile pour vérifier la présence du salarié
(2) Article 24 : L’État protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications
et des données personnelles…»
(3) Article. 6 : « Le contrat de travail est une convention par laquelle l’une des parties appelée travailleur ou salarié s’engage
à fournir à l’autre partie appelée employeur ses services personnels sous la direction et le contrôle de celle-ci,
moyennant une rémunération. »
(4) Article 243 du code des obligations et des contrats «Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige,
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l’usage ou l’équité donnent à l’obligation
d’après sa nature.»
(5) Article 88 « Celui qui, de bonne foi, et sans qu’il y ait faute lourde ou imprudence grave de sa part, donne des
renseignements dont il ignore la fausseté, n’est tenu d’aucune responsabilité envers la personne qui est l’objet de ces
renseignements :
1) lorsqu’il y avait, pour lui ou pour celui qui a reçu les renseignements, un intérêt légitime à les obtenir ;
2) lorsqu’il était tenu, par suite de ses rapports d’affaires ou d’une obligation légale, de communiquer les informations qui
étaient à sa connaissance. »
(6) Article 10 et 11 du code du travail.
(7) https://thd.tn/les-recommandations-de-topnet-pour-securiser-les-connexions-en-teletravail/

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